La descente a pris tout le monde par surprise. Mardi 12 septembre, des agents du Parquet spécial contre l’impunité (FECI) du Guatemala ont fait irruption dans des locaux du Tribunal suprême électoral (TSE). Brandissant un mandat signé par un juge controversé, ils ont pris possession des lieux, réquisitionné 160 urnes et les ont ouvertes devant les regards stupéfaits des fonctionnaires électoraux tenus à distance. Dans un climat politique déjà tendu, l’opération policière a suscité l’inquiétude : les urnes renferment des bulletins de vote du second tour de l’élection présidentielle du 20 août, qui a marqué la victoire historique du candidat social-démocrate Bernardo Arevalo et de son parti Semilla (« graine »).
Elu avec 58 % des voix sur la promesse d’éradiquer la corruption endémique au Guatemala, Bernardo Arevalo a immédiatement dénoncé un « assaut contre la Constitution » et a annoncé au président sortant, Alejandro Giammattei, qu’il ne participerait plus aux cérémonies de transition. Le président élu accuse le parquet général (ministère de la justice) – dont dépend la FECI – et la procureure générale (ministre de la justice), Consuelo Porras, de vouloir dynamiter le processus électoral pour éviter sa prise de fonctions, prévue le 14 janvier 2024.
« Il n’y a pas de transition possible lorsque nous devons passer dix-huit heures par jour à nous défendre des embuscades que nous tend l’appareil d’Etat. Lorsque les conditions seront réunies et qu’il y aura un message politique et judiciaire fort, nous reprendrons le dialogue », a déclaré Juan Guerrero, directeur juridique dans l’équipe de transition de Bernardo Arevalo. Celui-ci est allé plus loin, dénonçant un « coup d’Etat en cours ».
Au Guatemala, dont l’histoire est marquée par les coups d’Etat, les dictatures militaires et les massacres contre la communauté maya, « la connotation du mot est forte », reconnaît le politologue Pablo Hurtado. « Nous observons des attaques sérieuses contre l’ordre constitutionnel, qui mettent en péril la démocratie et l’Etat de droit, renchérit l’expert. C’est donc une situation très grave, dans laquelle un secteur de l’Etat, de la justice, met en péril les résultats du système démocratique. »